-
Uckange U4
Tout comme à Clabecq, de nombreuses manifestations ont eu lieu à l'annonce de la ferméture. Si le slogan en Belgique était “On marche parce que rien ne marche!”, celui de Uckange était “L'emploi au cœur”.
Il y a deux siècles, la Lorraine disposait de nombreux atouts pour son industrie sidérurgique: du charbon, de l'eau et du minérai de fer (la minette lorraine). Situé en France à la frontière avec l'Allemagne, les installations ont souvent changé de propriétaire selon les guerres et les traités. La minette lorraine est relativement pauvre en fer (environ 30%), alors que le minérai importé en contient le double. Le rendement du four (la mise au mille) n'est donc jamais très bon. Quand les producteurs sont passés au minérai importé, l'usine a perdu son avantage géographique, car situé trop loin des voies d'eau à grand gabarit. Le site de Uckange est particulier: il ne produit que de la fonte. Il n'y a pas d'aciérie en aval à Uckange. Les installations sont relativement petites, mais ont comme avantage que la production peut être adaptée rapidement à la demande. On peut produire différentes sortes de fontes de moulage, et même de la fonte d'affinage. Le passage au minérai importé a permi d'augmenter la gamme des fontes produites. Un haut fourneau classique produit un seul type de fonte d'aciérie (fonte d'affinage), dont la composition doit être la plus constante possible. Le haut fourneau U4 est le seul fourneau historique de la France et est heureusement classé monument historique. On en a fait un parc d'attraction comme à Duisburg dans le bassin de la Ruhr en Allemagne. Parlons-en, justement du site historique. Il a fallu près de 20 ans pour faire classer le site. Evidemment à 90€ la tonne (prix de la ferraille de récupération), le propriétaire du site a tout intérêt à tout démolir (il y a 3000 tonnes d'acier dans un petit HF). Il est plus facile de maîtriser en temps réel les mille et un paramètres de la marche d'un four que de faire classer un site. Souvent, les industriels, propriétaires du site, profitent d'un sursis ou d'un défaut de forme dans l'établissement du dossier pour vite, vite, vite tout démolir. Un ancien ingénieur du HF m'a fait visiter les lieux, et j'ai encore appris bien des choses. C'était pas n'importe qui, mais Bernard Colnot, le président de Mecilor. Malheureusement, seul une petite partie du site est accessible. Qu'en est-il de la station électrique? Des turbo-soufflantes? De la fonderie? Une partie des bâtiments a été détruite (installations d'agglomération, en Belgique on dirait une usine de boulettage). Pas de visite sous l'anneau des vents chauds (on a injecté d'abord du fuel, puis de la poudre de charbon, et on a même expérimenté avec une lance à plasma pour tenter d'échauffer encore un peu plus les vents chauds et améliorer la mise au mille). Un des problèmes soulevés lors du classement du site est le fait qu'il ne s'agit que d'un "simple" haut fourneau (sans aciérie ni laminage). J'aurais déjà été très content avec ce "simple" haut fourneau, si on avait gardé toutes les installations. Pour un visiteur non averti, le site donne suffisamment d'informations. Mais où est la fabrique d'oxygène? Où sont les silos? Où sont les laboratoires? Où est la salle de commande? Le déconstructivisme, c'est pas mon truc. Le chemin balisé et entouré de balustrades me fait penser au chemin de promenade des prisoniers. Il ne manque que les barbelés et les filins anti-hélicoptères! Les miradors existent déjà, ils sont même peints en jaune! Et pourtant, tout a été fait pour rendre la visite intéressante, avec un chapiteau informatif sur le travail des ouvriers, avec diffusion d'un film produit pour le centenaire de l'usine (un comble: l'usine sera définitivement fermée un an plus tard!). Même avec ce qui reste, le haut-fourneau semble tout petit! En comparaison, le site de Clabecq dont il ne reste pratiquement plus rien donne une vue plus complète: une cloche à vide, des rouleaux du laminage, un disjoncteur géant (de plus de 2m de haut), le mécanisme d'entrainement du mélangeur au gueulard, un boût de l'anneau à vent chaud,... Hélas, tout va à la casse. Il ne reste que moi qui fait des photos chaque fois que je passe. Photos:
Vue générale
Haut fourneau
Benne de chargement
La conduite à tétons
Le hall de coulée Un artiste à jugé bon de placer des ampoules près du sol. Je pensais qu'il s'agissait d'illustrer la séparation du Nord et du Sud, l'exploitation des richesses minéralières des pays du Sud par de méchants capitalistes européens (un thème cher aux artistes payés par le contribuable). Mais non. Il s'agit d'indiquer “la coulée de l'acier” (sic). Je n'ai jamais vu un HF produire de l'acier, et en plus, la FONTE s'écoule dans des rigoles. Le hall de coulée n'est pas entouré de murs en claire voie, mais par de la vulgaire tôle ondulée. Tôle qui s'est rouillée et est partie en lambeaux au fil du temps, et que le responsable du site a jugé bon de remplacer par une tôle toute blinkante qui contraste avec le reste du site. Le responsable, c'est maintenant quelqu'un d'un ministère de la culture qui n'a jamais vu un haut fourneau de près.
Les gueuses à la sortie de l'usine D'abord Hüttenwerk Gebrüder Stumm pendant la période allemande, puis Forges et Aciéries de Nord et Lorraine, Hauts Fourneaux Réunis de Saulnes et Uckange, et finalement Lorfonte.
Le site web de Mécilor (mémoire culturelle et industrielle Lorraine) qui a pris en charge la restauration de l'usine. Il s'agit d'anciens travailleurs du haut fourneau. Voici l'historique du haut fourneau U4 (pdf). |
Publicités - Reklame