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Archéologie industrielleLa région wallone n'a aucune expérience dans la sauvegarde d'installations industrielles. La Spaque, qui est traditionnellement chargée de la reconversion des friches industrielles n'a qu'une seule méthode de travail: on rase tout et on assainit le terrain en fonction de son utilisation future: un assainissement plus faible s'il faut à nouveau y mettre de l'industrie, un assainissement plus profond si on veut y mettre du logement.Les terrains industriels qui ont été rasés ne sont souvent pas utilisés. C'est normal, les investisseurs ne se pressent pas au portillon tant que la Wallonie a suffisamment de terrains à batir situés dans des endroits plus agréables que Seraing. Les terrains de l'ancienne cokerie, assainis à grands frais, n'ont toujours pas trouvé preneur, on préfère batir en dehors de la ville. Tant qu'on ne mettra pas un frein à l'expansion de la ville (étalement urbain à n'en plus finir), les terrains situés au centre ne trouveront pas preneur. On ne peut pas en vouloir aux industriels propriétaires des terrains et des installations qu'ils veulent rentabiliser leur site. Chaque année, ils doivent payer près d'un million d'euros de charges (précompte immobilier) pour un site qui ne produit plus rien. Le vrai coupable, c'est le monde politique, qui n'a pas de vision d'avenir. Le monde politique ne fait que récolter l'impot, mais ne propose rien en retour, ou change d'avis dès qu'ils doivent payer quelque chose. Avec l'argent des taxes, on aurait pu transformer tout le site d'Ougrée en musée. Quelques mois après la ferméture du haut fourneau de Liège, les démolisseurs se mettaient au travail. Il s'agissait de récupérer le cuivre et les autres métaux interessants. Il va sans dire que les démolitions ont commencé grace à des contacts sur place: tout le site était sous tension et il y avait des équipes de surveillance. Le but de cette activité illégale est de se débarasser au plus vite des installations du site. Le haut fourneau et les installations annexes doivent être détruites le plus rapidement possible, pour pouvoir raser tout le reste et construire des appartements, parce que c'est ca qui rapporte le plus. Dans quelques années, la Belgique qui était de second producteur d'acier au monde au début du XX° siècle n'aura plus un seul haut fourneau. Il est vrai que l'archéologie industrielle n'est pas fort connue: quand on parle de l'histoire de la Belgique, le public pense principalement aux chateaux (les chateaux-forts, pas les chateaux d'eau), à la butte de Waterloo, à Godefroid de Bouillon et à Astérix. Les rares initiatives qui existent manquent cruellement de fonds pour entretenir le matériel: c'est un combat permanent pour obtenir le budget nécessaire au fonctionnement du site et à l'entretien. Les initiatives de valorisation du patrimoine industriel se comptent sur les doigts d'une main: Blégny-mine (le charbonnage dans la région de Liège), le Bois du Cazier (charbonnage dans la région de Charleroi), la maison de la métallurgie et de l'industrie de Liège, les ascenseurs hydrauliques du Canal du Centre, la Maison de l'Imprimerie à Thuin, le... Eh bien non, c'est tout! (*)
Photographe urbexComme photographe urbex, j'ai visité de nombreux lieux qui étaient démantelés par des équipes illégales: des centrales électriques, des laminoirs, des machines-outils,... Recupérer les refroidisseurs en cuivre d'un haut fourneau demande une main d'œuvre qualifiée: certains refroidisseurs pèsent plus d'une tonne et il faut récupérer une partie des métaux via le geulard, et donc utiliser des grues (staves de refroidissement situés dans le four même). Pour pouvoir accéder au foyer, les tuyères doivent être démontées. Comme partout en Belgique, "c'est interdit" mais un petit bakchich ouvre toutes les portes et ferme tous les yeux. Puis on aura tellement démoli que les structures portantes ne seront plus assez solides et on sera bien forcé d'abattre le reste.Les équipes de surveillance laissent faire les voleurs mais chassent les photographes urbex, car ce sont eux les ennemis: les amoureux de l'archéologie industrielle qui voudraient bien classer tout le site pour en faire un musée à ciel ouvert. Quand je vais en excursion, je ne prend plus mon reflex à deux milles balles (sans l'optique), mais un petit compact bon marché et maintenant un smartphone. Un photographe que je connais s'est fait voler son matériel par le "personnel de surveillance" à Chertal. Pas par les récupérateurs de métaux, mais par une "équipe de surveillants" qui logeait sur place. Les grillages ont du fil barbelé à lames anti-intrusion (3€ le mètre), sont controlés chaque semaine et les trous sont cloturés en 24 heures: c'est pas pour empècher les voleurs, mais les photographes. Quand tu voles dix tonnes de métaux, tu ne passes pas par un trou dans la cloture, mais par la grande porte. La tonne de cuivre, c'est 4.000€. Il te faut un dessin?
Forges de ClabecqAux Forges de Clabecq les propriétaires ont dit qu'ils gardaient quelques installations. Mais quand le HF6 (le plus grand fourneau) a été dynamité, l'intéret du public pour l'archéologie industrielle s'est effondré plus rapidement que le HF6 lui-même et Duferco a eu les mains libres pour démolir ce qui restait sur le site: d'abord les cowpers, puis le petit chateau d'eau, le haut fourneau HF2 et son installation de chargement. Dès le début, c'était leur but final, mais non avoué. Les beaux discours, c'était uniquement pour amadouer la population. Il n'y a pas que les politiciens qui avalent leur paroles, les industriels ont également une grande expérience en ce domaine.On aurait dû agir dès le début et garder le HF6, quelques cowpers, le HF2 et son monte-charge. Gouverner, c'est prévoir, mais qui s'occupe de notre pays actuellement?
SeraingA Liège également, on est en train de tout détruire, petit à petit. Le haut fourneau de Seraing, situé au milieu de la ville n'existe déjà plus. Il est vrai qu'il y avait peu d'initiatives qui ont été déployées pour sauver ce fourneau.Il règne une forme de lassitude dans la ville. Quand il fallait faire des économies, c'était toujours sur le dos des travailleurs, jamais sur le salaire des patrons (ben zut, je deviens socialiste, ou quoi?). Puis on a dit que les installations seraient mis sous coccon en attendant des jours meilleurs, puis que le site serait restauré, et bla-bla-bla. C'est à Liège que le manque d'intérêt est le plus frappant. Pour le travailleur, le haut fourneau ou la cokerie, c'est surtout une usine sale, poluante où le travail était très dur. Les travailleurs n'ont en général pas de bons souvenirs de leur haut fourneau, donc pourquoi tenter de le sauver?
OugréeA Ougrée, de l'autre coté de la ville, les installations sont encore debout, mais pour combien de temps encore et dans quel état? Tout ce qui avait de la valeur a été volé: les plaques de refroidissement du fourneau, les armoires électriques, les moteurs. Ici aussi, on suit la politique de Clabecq: on laisse d'abord faire les voleurs de métaux (si nécessaire quelqu'un sur place fournit même la logistique).Il a été question de transformer le site en musée, et même d'y loger le musée de la métallurgie et de l'industrie qui est actuellement installé dans des batiments en très mauvais état. Mais cette piste semble abandonnée: s'il n'y a pas de fric pour entretenir les batiments du musée, il n'y en aura pas non plus pour restaurer le site d'Ougrée. Puis on se rend compte que le fourneau sans ses plaques de refroidissement et sans les installations auxiliaires n'a plus de valeur (et n'est plus structurellement stable). Il est alors facile de trouver un politicien qui va délivrer le permi de démolition. Une nouvelle voiture et un repas dans un restaurant huppé de Liège (si, si, il y en a quelques uns) et le tour est joué. Le site d'Ougrée est idéal pour y établir un musée: un peu en dehors de la ville. Mais c'est également un site idéal pour installer des blocs d'appartements et des bureaux. Le choix est donc vite fait: aux dernières nouvelles, on ferait une reconnaissance avec un drone pour tout cartographier, et puis on démolirait le tout.
CharleroiCe sera un peu plus difficile à Charleroi, où un comité de soutien a été crée. Les politiciens ne peuvent plus faire semblant et regarder de l'autre coté pendant que les installations sont détricotées. Mais il suffit de faisser au temps le temps de faire son œuvre. Si au moment de la ferméture on avait un fourneau en très bon état (les fourneaux de Liège et de Charleroi avaient été restaurés), maintenant il ne reste plus qu'un amas de brol avec peu de parties interessantes.Duferco à Charleroi, qui a l'expérience de la destruction en catimini ne se cache plus pour dire qu'il a formellement commencé la destruction au début 2019, puisqu'il n'a reçu aucune réponse des politiciens locaux. On en peut pas en vouloir à Duferco: on leur demande de payer des taxes foncières exorbitantes (précompte immobilier de presque un million d'euros par an pour un site industriel qui ne raporte plus rien), mais on ne leur offre rien en retour.
Vive les hauts-fourneaux !Vers la reconnaissance du patrimoine sidérurgique de WallonieCette petite introduction pour vous parler d'un livre que j'ai acheté il y a quelques mois. Si je n'en parle que maintenant, donc six mois plus tard, c'est que le livre a mis tout ce temps à arriver (c'est peut être parce que je vis de l'autre coté du mur qui sépare la Wallonie de la Flandre).C'est mal barré pour le sauvetage d'au moins un seul haut fourneau (dans les trentes glorieuses, la Belgique avait plus de 50 fourneaux en activité) s'il faut se baser sur le livre pour tenter la sauvegarde d'un fourneau. Le livre part dans tous les sens, c'est du vomi à moitié digéré. Le livre a été écrit à plusieurs, et ils ont continué à batailler entre eux jusque dans la salle de rédaction. Même le petit dictionnaire en fin de bouquin a subi les effets de cette bataille rangée et les mots ne sont plus rangés dans l'ordre. "Il faut garder le haut fourneau!", "Il faut tout raser, et le plus vite possible!", "J'ai pas d'avis et je m'en fout, du moment que j'ai mon jeton de présence". Je ne comprend pas cette discussion stérile. Bien sûr qu'il faut garder le haut fourneau et restaurer le site. Quand on voit le nombre de visiteurs à Duisburg et à Volklingen, on se rend directement compte que les allemands ont pris la bonne décision. Un autre exemple plus près de chez nous est C-Mine, un ancien charbonnage qui a été reconverti: on y retrouve une école d'art, quelques bureaux, quelques appartements et des commerces. La restauration du charbonnage a été remboursée par les revenus générés par le nouveau site. Le chassis à molettes ainsi que certaines installations ont été gardées et intégrées dans les nouvelles structures.
Plusieurs exemples de réaménagements réussis sont montrés dans le livre. Mais on insiste tout de suite pour dire que cela a couté beaucoup beaucoup d'argent, comme s'ils se cherchaient déjà des excuses pour ne rien faire du tout. Oui, l'assainissement du terrain coûte beaucoup, mais le prix n'est pas très différent si on rase tout et si on construit des blocs d'appartements ou si on garde une partie des installations qu'on transforme en musée. Ce n'est pas une question de fric (il faudra de toute façon débourser), c'est une question de volonté politique. Les politiciens se refilent la patate L'intérêt du musée La Coupole en France (musée consacré à le seconde guerre mondiale et aux V2), c'est qu'il est réalisé dans un bunker de l'époque. Le même musée réalisé dans un batiment moderne n'aurait pas le même attrait, même avec un vrai V2 devant la porte, fumant et pétaradant, prêt à s'élancer et à détruire la perfide Albion. On sait très bien que le MMIL recherche un endroit plus adapté pour montrer ses monbreuses collections. L'utilisation du coke (au lieu du charbon de bois) a permi de réaliser des fourneaux plus hauts et produisant donc plus de fonte. Ce passage au coke s'est fait pour la première fois sur le continent européen en Belgique. La métallurgie passe ainsi d'un artisanat à une industrie. Ce serait quand même incroyable que la Wallonie, qui était le second producteur d'acier au monde il y a cent ans n'ait gardé aucune installation. Quand les hauts fourneaux seront démolis, il sera trop tard pour se plaindre. Les gens ne sont plus à la recherche d'un musée statique, mais d'une expérience. C'est pourquoi les safaris urbains de Nicolas Buissart fonctionnent si bien. Le livre, on dirait un programme gouvernemental, où il il y des éléments de chacun des 18 partis qui forment le gouvernement. Un paragraphe sur Clabecq et Roberto D'Orazio, puis on passe trois lignes plus loin à l'état actuel des installations de Charleroi, à William Cockerill (le papa de John), celui qui a mécanisé l'industrie lainière de Verviers et à ... Marc Doigny (qui n'a rien foutu pour son pays, sauf payé des impôts exorbitants). "Qui est exactement ce Marc Doigny, photographe qui a crée une série de pages..." Ah, si vous aviez lu toutes les pages du site, vous auriez remarqué qu'on n'y parle pas que de pipi de chat. Le livre a au moins le mérite d'exister, même s'il n'a été tiré qu'à 2.000 exemplaires (en juin 2019, quand j'ai rédigé cette page, il y a eu 169 personnes qui ont consulté la page des cowpers, la page la plus demandée de la partie sur les hauts fourneaux en français). Le nombre de visiteurs de cette page est de (moyenne des 30 derniers jours). *: pardon, il y a également le musée de l'informatique, un musée que j'apprécie tout particulièrement, ayant fait des études d'informatique dans la période des cartes perforées et de l'IMB 370. |
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