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Je me suis informé à l'avance. Je voudrais voir “la salle des machines” et les anciens ascenseurs sur le Canal du Centre. Parfait, il y a un ticket tout compris qui me permet de tout visiter (également les anciens ascenseurs, j'y tiens particulièrement). 19.25€ c'est pas donné, mais hélâs je n'ai pas 36 enfants à ma charge, je ne suis pas minimexé et pas non plus réfugié syrien. Après avoir payé les taxes pour les 36 enfants que je n'ai pas, pour les chomeurs professionnels et pour les réfugiés, c'est encore le prix plein pour moi. Une dame charmante à l'acceuil. Quand je donne mon code postal (c'est l'habitude dans tous les musées), elle passe sans hésiter au néerlandais, elle le parle même mieux que moi, qui vis déjà 40 ans à la côte. Elle est polie, enjouée, jolie. Parfait pour faire passer la pilule des 19.25€.
Le Canal du Centre
Le Canal du Centre était un canal important, reliant le bassin de la Meuse à celui de l'Escaut. Il était ainsi utilisé pour le transport du charbon des bassins houilliers du Borinage vers le bassin industriel de Charleroi. Que voulez-vous, un haut fourneau bouffe de la houille (en fait du coke), plusieurs tonnes par jour (férié, chomé ou normal). Le Canal du Centre est en fait le petit frère du Canal Albert, qui relie Anvers à Liège, donc également l'Escaut à la Meuse. Le région est pleine de terrils qui rappellent le travail héroïque de nos grands-parents. On n'est pas loin des iguanodons de Bernissart (trouvés par hasard au fond d'une mine). Tout d'abord, un petit détour technique: pourquoi cet ascenseur à bateaux? Le Canal du Centre a une dénivelation importante. Pas de problème, me diriez-vous, il suffit de placer des écluses. C'est ce qu'on a fait sur le Canal Albert et c'est ce qui se fait partout au monde. Mais le Canal du Centre a un petit problème: il manque d'eau. A chaque fonctionnement d'une écluse, on perd des milliers de mètres cube d'eau du bief supérieur au bief inférieur (près de 10.000 mètres cubes pour une écluse typique de classe européenne avec différence de niveau de 7m). Quand le Canal du Centre est en manque d'eau, il faut en pomper de la Sambre près de La Louvière. Sur un canal où les écluses sont relativement proches les unes des autres (disons une écluse tous les 3km), chaque fonctionnement de l'écluse fait baisser le niveau du bief supérieur d'un centimètre. Si l'écluse laisse passer 10 bateaux par jour pendant une semaine, le niveau d'eau au bief supérieur serait devenu trop bas pour encore autoriser la navigation sans apport d'eau. De plus, la différence de niveau sur le Canal du Centre est vraiment très importante: il faudrait près de 10 écluses pour combler la différence (avec comme conséquence une perte de temps pour les mariniers). C'est pour cela qu'on a utilisé des ascenseurs, aussi bien pour le canal historique du centre (il y a 4 ascenseurs) que pour la partie à grand gabarit. Le canal historique avait un gabarit de 300 tonnes, ce qui est actuellement trop peu au niveau européen. Le canal a été élargi et dédoublé à l'endroit des ascenseurs pour permettre le passage de barges de 2000 tonnes. Actuellement, un seul ascenseur comble la dénivélation des quatre anciens ascenseurs et de deux écluses. Mais les ascenseurs historiques sont toujours utilisés, cela vaut la peine de le signaler. Les anciennes péniches ont souvent été transformées en bateaux de plaisance et utilisent à nouveau ces écluses. Les écluses historiques ont même été classées au patrimoine de l'humanité par l'UNESCO. Il faudrait vraiment que j'aille les visiter avant que les islamistes ne les fassent sauter. Actuellement on n'ouvre plus les vannes des écluses pour laisser s'écouler l'eau du niveau du bief superieur au niveau du bief inférieur, mais on utilise des pompes qui à chaque passage de navire vont pomper l'eau du bief inférieur au bief supérieur si le niveau du bief supérieur est trop bas. Les ascenseurs n'ont pas ce problème, car ils utilisent beaucoup moins d'eau.
L'ascenseur à bateaux de Strépy-Thieu
Après la réalisation du plan incliné de Ronquières (sur le Canal Bruxelles-Charleroi), personne ne peut plus arrêter le génie wallon. Il faut faire encore mieux! On passe d'une dénivelation de 68m. pour Ronquières à 73.15m. Le déplacement est également plus rapide. Commencé en 1982, les travaux dureront exactement 20 ans. Le plan incliné de Ronquières, tout comme l'ascenseur de Strépy-Thieu utilisent deux bacs et des contrepoids totalements individuels. Les deux bacs fonctionnent indépendamment l'un de l'autre. Dans un ascenseur, c'est pratiquement la même eau qui sert à chaque fois. L'eau est transportée de bas en haut et de haut en bas dans un bac (avec dans l'eau du bac éventuellement une ou plusieurs péniches) et il n'y a pas de pertes. Un bac fait 118.6m de long (longueur utile: 112m), 16.5m de large (largeur utile: 12m). La hauteur totale du bac est de 8m, le niveau d'eau dans le bac dépend du niveau d'eau au bief et est de 3.35 à 4.15m (conditions extrèmes). Le poids d'un caisson est constant, qu'il y ait un navire dedans ou pas (Archimèdes, s'il vivait encore, vous l'expliquerait bien mieux que moi). Quand un navire rentre dans un bac, il repousse son poids en eau hors du bac. C'est uniquement le niveau d'eau au bief qui détermine la quantité d'eau dans le caisson, et donc le poids de celui ci. Comme le niveau d'eau est maintenu constant, le poids des caissons est également assez constant: il varie de 7.490 tonnes (niveau d'eau de 3.35m) à 8.660 tonnes (niveau d'eau de 4.15m). Il s'agit de conditions extrèmes, le niveau de l'eau étant maintenu aux alentours de 3.75m (8.075t). Le poids du caisson, de son eau et de ses péniches éventuelles est contrebalancé par quatre contrepoids de 831 tonnes de chaque coté. Les moteurs d'une puissance relativement faible ne servent qu'à vaincre l'inertie et les pertes par frottement. En cas d'avarie, la maneuvre peut être terminée sur deux des quatre moteurs. La plupart des cables qui retiennent le caisson sont en fait des cables de contre-poids (112), les cables de traction sont au nombre de 32.
L'ascenseur est dit funiculaire à cause de l'utilisation de cables pour le déplacement des caissons. Pratiquement tous les ascenseurs ménagers et industriels sont funiculaires, mais il n'y a qu'ici qu'on juge nécessaire de le préciser.
Visite de l'ascenseur de Strépy ThieuIci un premier désenchantement. La “salle des machines”, c'est simplement une salle des poulies. Ceux qui espéraient une usine à gaz en seront pour leurs frais (19.25€ en l'occurence). Pas de vie, pas de mécaniciens, pas de trucs qui tournent et de lampes qui clignotent, rien. On dirait un hall d'usine en faillite depuis 10 ans avec toutes les machines enlevées. Mais c'est propre et la peinture a été refaite. Les moteurs, on les voit à peine (ce sont les petites boites bleues), pas de Variacec I (un appel d'offre a été lancé il y a quelques années. Je suppose qu'entre temps les variateurs ont été remplacés). Que veux-tu 500kW, c'est rien dans l'industrie, un moteur de cage dans un train de laminoirs a une puissance 4× supérieure. Demande à un enfant de te dessiner une salle des machines et il te dessinera autre chose qu'une "salle des poulies".
Quelques gadgets le long du couloir, une salle de cinéma au fond et c'est tout. Un film passe en boucle, mais je compte le voir à la fin de la visite. Le coca est frais et la gaufre pas trop chère à +141m. Pour le panorama, ben, il faut descendre. J'avais espéré accéder au panorama (et avoir une vue du bief supérieur) en montant sur le toit du batiment, mais c'était pas prévu par les ingénieurs de l'époque. Ah bon, tant pis. Le panorama, ben tu vois exactement la même chose au niveau +126m qu'au niveau +141m, mais en plus tu vois soit le caisson devant toi, soit les quatre contre-poids et le caisson en bas. Si tu regarde bien, tu vois un amas de cables via une petite fenètre. Ce sont les cables qui passent sous la salle des poulies.
J'arrive bien dans les temps en bas et je me met dans une des voiturettes du train touristique. Je montre mon ticket et je me fais engueuler par le préposé. C'était le mauvais train, je dois encore attendre 30 minutes. C'est ici que je remarque qu'il y a des sièges à l'intérieur, mais rien de prévu à l'extérieur (sauf des poubelles tous les 10 mètres environ). Pour reposer mon dos usé par des années de dur labeur dans le secteur privé, je m'assieds sur le premier pot de fleur que je rencontre (les fleurs ne s'en remettront plus jamais).
Ah, je crois que cette fois ci c'est le bon train! Comme je voudrais prendre des photos, j'avais remarqué une place interessante à l'avant. Je suis du genre poli et pas du genre à m'inposer, et quand quelqu'un se précipite devant moi, je le laisse passer. Pas de bol, les deux personnes qui m'ont repoussé ont aussi l'intention de se mettre dans le premier compartiment. Elles s'installent, ferment les portières et madame se cale contre la porte. Un signe qui ne trompe pas: t'es encore moins le bienvenu qu'un naufragé clandestin! Il y a encore deux ou trois places derrières disponibles en deuxième classe. Le rouspeteur est à nouveau là, c'est pour cela que je préfère montrer mon ticket à son assistant. J'ai l'impression qu'il va me fouetter en public si j'ose encore monter dans son véhicule. L'assistant regarde le ticket, hésite et me dit d'aller à l'autre petit train. Je vais à l'autre train, montre mon ticket (ouf! c'est le bon!). Ici j'apprends que j'aurais aussi bien pu aller dans le premier train, ils font le même trajet, parait-il. Plus de place ici malheureusement. Il y a un compartiment avec seulement deux personnes, mais elles sont si grosses que je saurais jamais y entrer. Elles prennent la place de quatre et ne payent que pour deux (je parie qu'elles ont même bénéficié d'une réduction famille nombreuse). Je veux me précipiter dans le premier train, mais celui-ci part au moment où je m'approche. Evidemment, c'est le rouspéteur au volant. Tant pis, pas de visite des ascenseurs historiques. Adieu veau, vache, cochon, couvée (et ballade en bateau qui était également prévue dans le forfait). Le film, je m'en fout! Qu'ils crèvent tous dans l'eau putride du bief inférieur. Arrivé à ma voiture, comble de merde, j'entends via les hauts parleurs un guide qui explique le fonctionnement de l'ascenseur. On le fait même fonctionner (à vide), ce qui aurait mis un peu de vie dans la salle des poulies. Cela veut donc dire qu'un visiteur qui a payé le prix fort ne peut pas à la fois faire le parcours avec le guide et visiter les ascenseurs historiques.
Conclusion: 19.25€ c'est payé fort cher pour un panorama "bof" et une salle des poulies. Je dis bien salle des poulies, et non salle des machines! Ne croyez pas que j'ai horreur des musées, au contraire. Voyez par exemple ma visite à la Maison de la Métallurgie et de l'Industrie de Liège. Ou aux différents musées consacrés à la guerre.
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