Le radar classique fonctionne avec de très hautes fréquences, ce qui permet de détecter des petites cibles. Plus la fréquence est élevée, et plus l'image fournie par le radar est détaillée. L'antenne peut également être plus petite quand on utilise des fréquences élevées. Mais les rayons se déplacent en ligne droite et ne peuvent pas voir ce qui se passe derrière l'horizon.
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Le radar Mammut allemand de la seconde guerre mondiale peut être vu comme l'ancètre du radar trans-horizon
Les antennes Duga près de Chernobyl
Le faisceau d'un radar trans-horizon
La plupart des radars utilisent une fréquence dans la bande des GHz (bande décimétrique). Une fréquence encore plus élevée fournit des images encore plus détaillées, mais la portée est plus limitée et le signal ne traverse pas les zones de précipitations. Ce type de radar est utilisé pour toutes les applications pratiques, mais le faisceau ne suit pas la courbure de la terre. La portée d'un radar sur un navire est limitée à environ 50km selon les circonstances.
Certaines bandes de fréquences permettent une réflection sur l'ionosphère ou suivent la courbure de la terre. Il s'agit de la bande des ondes courtes (short wave), les fréquences le plus basses de la bande ont tendance à suivre la courbure de la terre. Les ondes longues et moyennes qui étaient utilisées pour la radiodiffusion suivent également la courbure de la terre.
Ce type de radar est appellé trans-horizon ou OTH (over the horizon). Quand on utilise ces fréquences relativement basses, il faut de très grandes antennes pour avoir un minimum d'effet directif. L'antenne doit avoir une taille au moins 5 fois plus grande que la longueur d'onde. Avec une fréquence de 10MHz on a une longueur d'onde de 30 metres, il faut donc une antenne de 150m de long. En pratique elle se compose de nombreux dipôles montés sur un réseau qui forme un panneau de plus de 100m de long.
Pendant la seconde guerre mondiale, les anglais qui utilisaient des fréquences de 20 à 55MHz avaient des antennes qui étaient aussi grandes que les antennes de radiodiffusion. La fréquence utilisée pour le radar anglais "Chain Home" correspondait aux fréquences utilisées pour les premières émissions de télévision, ce qui a permi de réutiliser le matériel.
Pendant la seconde guerre mondiale, le radar allemand ne pouvait pas monter en fréquence, et cela a posé de nombreux problèmes. Les allemands ne disposaient en effet pas du magnétron. Les allemands utilisaient une fréquence de 560MHz (longueur d'onde de 0.5m) pour leur radar de poursuite Wurzburg. L'antenne parabolique avait un diamètre de 7.5m ce qui permettait un faisceau suffisamment concentré pour commander les canons de DCA (Flak).
Les allemands avaient également un radar à longue distance, le Mammut, qui utilisait une antenne réseau à commande de phase (une primeur). Sa portée était de plus de 300km.
Après la seconde guerre mondiale, on est passé à la guerre froide. Les américains et les russes pouvaient envoyer des missiles intercontinentaux équippés de charges nucléaires (on se demande toujours pourquoi ils ne l'ont pas fait). Il était important qu'une puissance puisse détecter le lancement de fusées par l'ennemi. Il fallait donc réaliser un type de radar qui avait une très longue portée.
Nous connaissons surtout l'installation Duga située en Ukraine (à cette époque elle faisait encore partie de l'URSS). Les russes ont construit plusieurs installations, de plus en plus grandes et qui avaient une portée plus importante. La puissance d'émission était très élevée, de l'ordre de 10MW (les émetteurs de radiodiffusion les plus puissants utilisaient une puissance de 2MW).
Les radio-amateurs ont pu localiser très rapidement l'installation de radar dans la région de Chernobyl (vous savez bien, la centrale nucléaire...). L'emplacement près d'une centrale nucléaire est assez évident à cause des grandes puissances mises en jeu. Les russes ont par contre toujours refusé d'admettre l'existence des radars. Il n'y a pas tellement de différences avec la Russie actuelle, qui a continué à nier une explosion dans la région de Arkhangelsk début août 2019, et ceci malgré le fait que des capteurs ont détecté une grande quantité de matière radioactive dans l'air.
Une antenne faisait 210 metres de long et 85 metres de haut. Les antennes de réception étaient situées à 60km pour éviter les interférences. Il s'agit donc d'une forme de radar bistatique. Les duplexeurs sont inutilisables à de telles puissances. Le signal reçu est très faible et brouillé et nécessite un décodage numérique qui n'est devenu possible qu'à partir des années 1970.
Les harmoniques de la fréquence fondamentale n'étaient pas amortis, l'émetteur de radar perturbait donc pratiquement toute la bande des ondes courtes. La fréquence utilisée n'était pas fixe, mais changeait pour s'adapter aux conditions de réflection sur l'ionosphère. Les émissions perturbaient la communication entre avions et le toc-toc s'entendait même sur les lignes téléphoniques en Russie. L'installation de radar a été utilisée de 1976 à 1989 (la catastrophe de Chernobyl a eu lieu en 1986 mais certains réacteurs ont continué à fonctionner quelques années de plus).
La distance peut être déterminée avec une précision d'environ 15km, mais déterminer la source exacte (l'azimuth) n'est pas possible. L'antenne rayonne largement et l'ionosphère ne se comporte pas comme un miroir, mais comme une mer agitée.
A droite on voit le rayonnement émis par l'antenne. La réflection sur l'ionosphère produit un élargissement du faisceau. Pour la détection du lancement de missiles, une précision très importante n'est pas nécessaire, il n'était de toute façon pas possible d'atteindre les missiles une fois qu'ils étaient lancés.
On est passé plus tard aux satellites radar qui fournissent un signal bien plus précis, car ces satellites qui tournent autour de la terre sur une orbite basse ont une vue directe des installations de l'ennemi. Mais certaines installations de radars terrestres sont toujours utilisées, principalement au Canada et aux USA. Elles permettent de controler de grandes surfaces et sont utilisées pour controler la navigation sur les océans.
Les antennes de Duga sont toujours présentes dans la région de Chernobyl. Elles sont situées dans la région d'exclusion et il faut une autorisation pour pénétrer dans la région/