Marine Zeebrugge
amplificateurs magnétiques à inductance saturable
Amplificateurs magnétiques
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Les schémas sur cette page proviennent d'un cours sur les amplificateurs magnétiques de la Force Navale de 1959. Ce type d'amplificateur était encore d'usage courant dans toutes les applications demandant une grande puissance. Ces amplificateurs étaient plus puissants et plus fiables que les tubes électroniques et les premiers transistors de l'époque.

Avant l'arrivée d'amplificateurs pouvant commander une puissance élevée, il fallait "faire avec" les différentes sortes d'amplificateurs magnétiques. Je ne me limite pas qu'aux seuls amplificateurs magnétiques statiques, mais je traite également des différents amplificateurs magnétiques mécaniques qui ont précédé (amplydine). C'est en fait un hommage à Ernst Alexanderson qui a inventé la plupart des amplificateurs mécaniques.

Ce sont les allemands pendant la seconde guerre mondiale qui ont utilisé à grande échelle et pour la première fois les amplificateurs magnétiques à inductance saturable. Ils les ont vraiment utilisés pour tout: pour diriger les canons, pour guider les V2, pour controler la puissance dezs moteurs électriques,... Ils recherchaient un type d'amplificateur très solide et ne tombant pas en panne. L'arme secrète des allemands, c'était l'amplificateur magnétique! Les américains ont préféré travailler avec les amplidynes (qui n'étaient pas aussi polyvalents et devaient régulièrement être entretenus). Pendant la seconde guerre mondiale, les allemands étaient en avance technologique dans beaucoup de domaines.

L'amplidyne décrit sur la page précédente a un inconvénient de taille et c'est justement... sa taille. Il s'agit d'une lourde construction ayant des parties mobiles: c'est en fait une dynamo de construction spéciale pour obtenir un gain élevé. Un amplificateur magnétique statique (sans parties mobiles) a également un gain en puissance élevé, mais sans les parties mobiles qu'il faut régulièrement entretenir.

L'amplidyne est basé sur le gain en puissance d'un générateur, tandis que l'amplificateur magnétique est basé sur la modification de l'impédance d'un bobinage (inductance saturable). L'amplificateur magnétique travaille avec du courant alternatif (courant commandé), tandis que la commande s'effectue avec du continu.

Une application pratique des inductances saturables est le doublement de la fréquence d'un générateur. Cette application est décrite sur la page des premiers postes de radio.

Nous décrivons ici deux montages:

  • L'inductance saturable qui se comporte comme un thyristor. Un petit courant permet de commander un courant plus important.

  • L'amplificateur magnétique (ou amplistat) qui utilise une inductance saturable et quelques composant externes et permet d'obtenir un gain de plus de mille fois.
Quand on parle de courant, il est important de noter qu'il s'agit de courant continu pour la commande et de courant alternatif pour le courant commandé. Ceci est toujours le cas, même si ce n'est pas précisé dans le texte.

Principe de fonctionnement de l'inductance saturable: un bobinage "en l'air" parcouru par un courant électrique produit un champ magnétique. Il n'y a pas de self-induction qui réduit le courant, qui est de ce fait uniquement limité par la résistance ohmique du bobinage et par la résistance de la charge.

Figure 1:
Quand on place un noyau de fer dans le bobinage, le champ induit devient plus important (courbe rouge). Le fer a une perméabilité élevée (amplification du champ magnétique). L'effet est très sensible quand on utilise une forme métallique repliée sur elle même (toroïde) car les lignes de force n'ont pas à quitter le fer.

Le champ induit est si puissant qu'il produit une self-induction qui s'oppose au courant traversant la bobine. Le courant alternatif total est donc faible, c'est comme si la bobine avait une résistance (impédance) élevée.

Figure 2:
Le champ induit n'augmente plus à partir d'un champ magnétique donné. Le fer est saturé. La self-induction qui s'oppose au courant disparait brusquement et le courant n'est limité que par la résistance ohmique de la bobine et la charge.

Figure 3:
En modifiant le niveau de prémagnétisation du noyau de fer, il est possible de déplacer le moment où le noyau entre en saturation, et donc également la résistance effective de la bobine. La prémagnétisation est appliquée par un champ magnétique auxiliaire. La courbe que nous obtenons avec une inductance saturable correspond très fort à celle d'un montage avec thyristors!

Figure 4:
Le champ magnétique auxiliaire est produit par un second bobinage (en rouge). Celui-ci va favoriser la saturation du fer et donc réduire l'impédance effective du bobinage de puissance. La construction n'est pas comparable à celle d'un transfo classique. Les deux bobinages de puissance sont bobinés en sens contraire, produisant un champ nul dans le noyau central (il n'y a pas d'effet de transformation). Une fois la saturation atteinte, la self-induction des bobinages de puissance chute.

Le bobinage de contrôle se compose de nombreux tours de fil fin, permettant d'obtenir beaucoup d'ampères-tours avec un courant relativement faible. Le noyau entre plus ou moins rapidement en saturation selon le niveau de prémagnétisation.

Figure 5:
L'amplification d'une inductance saturable simple: une modification du courant de commande de 10mA produit une modification du courant de 450mA dans le bobinage de puissance. Mais on peut faire mieux en modifiant légèrement le circuit.

Figure 6:
Un amplificateur magnétique dans la pratique, qui se compose en plus du bobinage de puissance et du bobinage de controle, d'un bobinage de bias et d'un bobinage de contre-réaction. Le bias est utilisé pour ajouter un champ magnétique fixe pour faire fonctionner l'amplificateur dans sa partie linéaire. On utilise la contre-réaction positive externe pour augmenter l'amplification du circuit. Les trois bobinages de contrôle se comportent comme des sommateurs: le champ magnétique produit par chaque bobinage est additionné. Pour éviter l'effet de transformation, le champ de contrôle ne peut varier que lentement.

L'ajout de diodes produit une réaction positive interne (contrairement à la contre-réaction positive externe, elle ne nécessite pas de bobinage supplémentaire). Cette contre-réaction fait passer le gain d'un amplificateur à 1000×. Ce type de montage avec diodes est appellé amplistat. Quand on parle d'amplificateur magnétique, on parle en fait d'amplistat (avec diodes).

Figure 7:
Une application pratique. Deux étages produisent une amplification de 1.000.000×, ce qui est mieux qu'un amplificateur opérationnel.

Un des avantages de l'amplistat c'est qu'il fonctionne pratiquement sans pertes!

  • Un transistor utilisé en amplificateur linéaire dissipe au minimum 50% en chaleur. En effet, le transistor se comporte comme une résistance ohmique.

  • Un amplificateur magnétique se comporte lui en inductance, c'est à dire qu'il réduit la puissance transmise par déphasage.
Un petit amplificateur magnétique peut donc commander une puissance élevée sans chauffer. Il n'y a que les amplificateurs électroniques travaillant en classe D (commutation) qui obtiennent un rendement identique!

Alors que les alliés ont utilisé l'amplidyne pour guider les canons vers les V1 et les avions allemands, les allemands ont eux utilisé des amplificateurs magnétiques dans les fusées V2 (voyez l'article sur les V1 et V2). Malgré le supplément de poids, ce type d'amplificateur était le seul appareil suffisamment solide pour résister aux vibrations dans une fusée.

Passé la seconde guerre mondiale, on a continué à utiliser des amplificateurs magnétiques dans les avions parce qu'ils étaient très fiables (résistants aux chocs), pouvaient fonctionner sur une tension d'alimentation non stabilisée et avaient un très bon rendement. De plus, le 400Hz des avions permet d'utiliser des inductances plus petites tout en augmentant la vitesse de réaction.

Je me souviens qu'on employait des inductances saturables dans les années 1960 pour l'éclairage de scène modulable. Au lieu d'utiliser de gros rhéostats dissipant la moitié de la puissance appliquée aux lampes, on utilisait des inductances saturables commandées par un faible courant. Un potentiomètre normal suffisait pour commander plusieurs grosses lampes. La commande par inductance saturable a été utilisée jusqu'à ce que toute l'installation soit remplacée (par exemple grande rénovation d'un théatre). On est passé aux triacs qui produisent peu de pertes (commutation tout ou rien) mais beaucoups de parasites dus à la commutation.

Figure 8:
Il est assez facile de construire soi-même un amplificateur magnétique, il suffit d'utiliser deux petits transfos identiques de 220V vers 12V (deux petits transfos pour éclairage halogène font parfaitement l'affaire). Les vraies inductances saturables utilisent un fer special (fortement dopé au silicium) et une construction spécifique, mais cela fonctionne aussi avec des transfos courants.

On utilise le "primaire" comme bobinage de contrôle (beaucoup de tours). C'est ici qu'on connecte le courant continu de commande. Il n'y a pas de polarité. La tension doit être réglable de 0 à quelques volts.

Le bobinage de puissance est le "secondaire". Notez bien le sens du branchement pour éliminer l'effet de transformation. Ce montage correspond au montage simplifié de la figure 6. Selon les transfos utilisés, on obtient un gain en courant d'environ 50×.

Si on utilise en plus des diodes, on peut augmenter fortement le rendement et l'amplification (fonctionnement comme amplistat). Les diodes redressent le courant dans le bobinage, produisant un champ magnétique continu qui s'ajoute au champ de controle. C'est comme si le courant de controle était dix fois plus puissant.

Figure 9:
Il existe également des transfos qui fonctionnent sur le même principe. Quand le circuit de commande n'est pas alimenté, les lignes magnétiques suivent le chemin le plus court, donc le chemin 1. Quand le circuit de commande est alimenté, les chemins 1 et 2 sont saturés (donc mauvais conducteurs magnétiques). Le seul chemin qui soit possible est le chemin 3. Le secondaire est maintenant exposé au champ magnétique alternatif du primaire et la puissance est transmise.

Une des caractéristiques de ces amplificateurs magnétiques est leur durée de vie pratiquement éternelle. Ils sont encore utilisés dans le cœur des centrales nucléaires, car ce sont les seuls amplificateurs qui sont insensibles aux radiations. Les radiations nucléaires (bombardement de particules) détruisent en effet la structure cristalline des transistors.

Ces amplificateurs résistent bien aux surcharges et surtensions, mais sont fort lourds et réagissent relativement lentement. Il est techniquement possible de fabriquer un amplificateur magnétique pour les fréquences plus élevées en utilisant un courant alternatif de fréquence plus élevée (environ 5× plus élevée que la fréquence la plus élevée à amplifier). On emploie alors des transfos à circuit magnétique en ferritte.

Utilisation actuelle

Les inductances saturables ont finalement été remplacées par des thyristors et des triacs. Mais ces inductances saturables réapparaissent là où on ne les attendait pas, notament dans les alimentations à découpage ayant plusieurs sorties de courant (l'exemple typique est l'alimentation ATX des ordinateurs de bureau). La régulation (primaire) n'est en mesure que de réguler une seule des tensions de sortie. Pour réguler les autres tensions, l'utilisation d'une petite inductance saturable n'a que des avantages.

La fréquence de commutation de ces alimentations est très élevées, les inductances peuvent donc être très petites, pas plus grandes qu'un composant SMD.

Contrairement à un transistor fonctionnant en mode linéaire, une inductance saturable ne produit que très peu de pertes. Et même les transistors utilisés en commutation peuvent avoir des pertes à la commutation plus importantes que les inductances.

On utilise parfois des inductances saturables pour facilier la synchronisation d'un groupe électrogène au réseau.

Figure 10:
Sur la photo, on dirait des transfos d'impulsion, et sans voir les bobinages il est très difficile de déterminer le type de transfo. Mais le fait qu'on retrouve des diodes au primaire (et non au secondaire) indique qu'il s'agit probablement d'inductances saturables. Elles étaient souvent utilisées pour commander des thyristors de très forte puissance dans les redresseurs haute tension.

Figure 11:
Utilisation de deux impédances saturables pour mesurer le courant continu. Les impédances ont leur résistance qui change selon le courant continu qui circile dans la barre. Actuellement on utilise plutot des capteurs à effet de Hall.

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